Deuxième chapitre
“J’ai choisi ce sujet, le second chapitre de l’Histoire de la Misogynie, de la même manière que le premier sur l’avortement.
Tout a débuté avec un fait divers local qui m’a beaucoup marquée : en 2018, cinq hommes qui avaient violé une jeune femme de 18 ans ont été libérés après avoir été d’abord reconnus coupables d’abus sexuel et non de viol. Ce jugement, qui remettait en question la jurisprudence espagnole face au viol, a déclenché la plus grande protestation féministe de l’histoire du pays.
En pleine ascension du mouvement #MeToo, je voulais comprendre pourquoi certaines structures institutionnelles telles que la justice, le droit et la politique, non seulement manquaient à leurs obligations envers les victimes, mais encourageaient en réalité les agresseurs en préservant les rapports de pouvoir et le viol comme norme sociale. En revisitant l’histoire, j’ai pu identifier les stéréotypes et les mythes, fondés sur le genre, les préjugés et la méconnaissance, qui ont maintenu et perpétué la culture du viol.
À travers une recherche minutieuse sur les erreurs judiciaires et le blâme qu’on fait porter aux victimes elles-mêmes, ce projet est une analyse personnelle des contextes politiques, sociaux et culturels, à travers le monde, qui aujourd’hui encore tendent à normaliser la violence sexuelle.”
Laia Abril
L’exposition de Laia Abril “Sur le viol” est le deuxième chapitre de son projet Une Histoire de la Misogynie. Il élargit son corpus d’archives visuelles, toujours en cours, sur le contrôle systématique du corps des femmes à travers le temps et les cultures.
Abril se concentre sur le viol institutionnel à travers une série de portraits conceptuels qui, soutenus par des témoignages, symbolisent les différentes cultures du viol systémique – au sein du mariage, dans l’église, à l’armée ou à l’école.
À cette occasion, Abril fait usage de l’histoire pour retracer l’origine des lois et des croyances – de la loi qui oblige la victime à marier son violeur, jusqu’au viol comme arme de guerre, en passant par la construction de la virginité ou les enchaînements d’événements qui aboutissent au viol. Elle réagit également à son propre parcours de recherche par un essai audiovisuel personnel.
Laia Abril (Espagne, 1986) est une artiste dont le travail est basé sur la recherche et qui utilise aussi bien la photographie que le texte, la vidéo et le son.
Après avoir obtenu un diplôme en journalisme, elle s’installe à New York et décide d’utiliser la photographie pour raconter des histoires intimes sur des réalités difficiles et méconnues, liées à la sexualité, aux troubles alimentaires et à l’égalité des sexes.
Les projets d’Abril se déploient cependant à travers divers supports, qu’il s’agisse d’installations, de livres, de documents web ou de films. Son travail a été montré et publié internationalement. On le retrouve dans des collections privées et des musées, tels que le Musée de l’Elysée et le Fotomuseum Winterthur en Suisse.
Elle a édité plusieurs livres, dont Thinspiration (auto-publié, 2012), Tediousphilia (Musée de l’Elysée, 2014) et le très acclamé The Epilogue (Dewi Lewis, 2014).
Après avoir terminé sa recherche de cinq ans sur les troubles alimentaires, Abril s’est lancée dans son nouveau projet au long cours, Une Histoire de la Misogynie. Son premier chapitre “Sur l’Avortement” a été exposé pour la première fois aux Rencontres d’Arles en 2016. L’exposition a ensuite été présentée dans plus de 10 pays, notamment à la Photographers Gallery de Londres et au Museum of Contemporary Art de Zagreb.
Le livre On Abortion and the repercussions of lack of access (Dewi Lewis, 2018) a remporté le prix Aperture Best Book en 2018 et a été finaliste de la prestigieuse Deutsche Börse en 2019. Abril développe actuellement les prochains chapitres, notamment celui consacré au viol.
Abril vit à Barcelone et est représentée par la galerie parisienne Les Filles du Calvaire.