Jean-Luc Petit (Namur, 1965) est artiste et architecte. Il vit et travaille à Liège.
Sa pratique architecturale soutient son art, ses interventions plastiques et spatiales.
Son art abstrait dépasse l’application d’une matière sur un support. Il questionne la pérennité, l’oubli, l’absence, la réminiscence, l’erreur, l’accident, l’inframince en relation avec des sites.
2007 Prix triennal Ianchelevici, avec l’artiste Jean Glibert, prix spécial du jury.
2018 Résidence d’artistes aux RAVI à Liège
2019 Intervention artistique au Pavillon Fourmarier et exposition de photographies, vidéo et peintures à Chaudfontaine.
Le processus de travail de l’artiste l’amène cette fois à user des propriétés de la fonte et de ses composants : le fer, le carbone et la précipitation du graphite. Le papier est aussi mené à ses limites.
L’image et l’épreuve sont questionnées au même titre que la trame, la grille et l’abstraction.
Jean-Luc Petit nous montre ici des dessins, ou suites de dessins, exprimant vide, plein, tension, profondeur mais aussi l’idée de faux, d’erreur, de reproduction…
Cette exposition élargit son intervention in situ à La Menuiserie.
Car le cœur de ce peuple est devenu insensible,
ils ont fait la sourde oreille
et ils se sont bouché les yeux,
de peur que leurs yeux ne voient,
et que leurs oreilles n’entendent,
de peur que leur cœur ne comprenne,
qu’ils ne se tournent vers moi
et que je les guérisse.
Matthieu, XII, 15
Ces versets de saint Matthieu résonnent à mon esprit comme le tocsin,
tandis que je gravis à bout de souffle les marches qui me conduisent au clocher de Saint-Martin,
auquel Jean-Luc Petit m’a suggéré une visite…
Seules deux chaises sont là.
Y témoignent-elles d’une présence, ou d’une absence ? Ou simplement d’un écho, d’une résonnance ?
Je n’en apprendrai sans doute pas beaucoup plus.
Par une vis en acier sur laquelle pianotent mes pas, je monte plus haut encore pour émerger dehors. De là je vois la ville.
Je la regarde et j’y vois la Menuiserie, ce bâtiment construit 500 ans après le clocher d’où je l’observe, et que Jean-Luc m’a également convié à venir voir de plus près.
Comment dire quelque chose du travail de Jean-Luc Petit ?
On peut bien sûr l’interroger directement : quel est le but – quel est le sens – de son action, de sa démarche, de sa recherche, de son intention.
Mais Jean-Luc se livre peu… Entende qui a des oreilles pour entendre.
A la Menuiserie, l’intention de l’artiste est de montrer quelque chose.
Il veut montrer, mais sans nous montrer qu’il veut montrer.
En fait, il nous suffirait de pouvoir voir pour qu’il soit dispensé de devoir montrer.
Mais que veut-il montrer ?
Rien, dira-t-il, ou peu de chose.
Rien qui ne soit déjà là, mais qu’on ne voit pas, qu’on ne voit plus.
Car relooké comme il va l’être, on ne le verra bientôt plus du tout, ce bâtiment à la posture moderniste, implanté un peu hors contexte, ou du moins sans tenir compte de ce que le contexte lui proposait comme continuum…
Ce bâtiment a préféré maintenir une distance dans sa confrontation au mitoyen séculaire, générant cet improbable entre-deux.
Qu’une chaise se tienne là, abandonnée dans le vide, et la voilà révélée.
Mais qu’est-ce qui est révélé ?
La chaise ? Ou le vide ? Ou la position du bâtiment qui, s’implantant à distance du mur, a généré le vide ?
Avez-vous vu le vide ?
Car ce qui importe n’est pas que le spectateur regarde, mais que le spectateur voit.
Et ce qui est d’abord révélé, c’est que l’artiste s’ingénie à nous montrer, en nous révélant la présence d’une chaise, c’est qu’entre notre regard et cette chaise est glissée l’histoire du monde qui devient ce qu’il devient, ou du moins l’histoire de la ville, faite de continuités et de quelques ruptures.
Pas toute l’histoire, bien sûr, mais quelques fragments…
Ceux qui résultent de l’attitude modernisme à s’implanter hors des continuités attendues pour continuer quand même l’histoire.
La trace intéresse l’artiste.
Autre trace d’un même processus, aux Drapiers, l’artiste cherche à dissimuler le fait qu’il sait ce qu’il cherche.
Tandis qu’à la Menuiserie, il ne veut pas montrer qu’il souhaite que l’on voit ce qu’il montre.
Mais le propos est-il de montrer ? Peut-être que le propos est de révéler.
Commentant une précédente exposition de Jean-Luc Petit, Cécile Vandernoot écrit que, dans une démarche qui accorde une importance équivalente à la matière, aux gestes, aux outils et aux supports, le résultat n’est pas un objectif… Avec cela, elle a tout dit. Quoi qu’immanquablement, on en arrive de là à se demander si l’artiste improvise.
Ce serait faire peu de cas de la longueur du processus en développement depuis le contexte, le terreau où il prend racine… Comme Saint-Martin révèle la Menuiserie dans sa singularité urbaine, le graphite raconte l’histoire de la Ville, avant même d’entrer dans l’atelier de l’artiste pour être « mis en œuvre ».
Cécile écrit aussi que chaque lieu attend une monstration spécifique.
Ainsi, aux Drapiers, le processus, né bien avant que l’outil ne racle le graphite sur le support, se poursuit, et cristallise sa durée en deux instants spécifiques : l’encadrement et l’accrochage qui nous rappellent que ces travaux – peintures ou dessins c’est selon – sont aussi des tableaux.
Hypnotisé dans l’atelier de Jean-Luc par l’une des phases intermédiaires de sa démarche, j’avais presqu’oublié que l’œuvre possède la capacité de modifier l’espace où elle s’invite, au point que l’espace intègre l’œuvre autant que les œuvres intègrent l’espace.
Et quand il y a cadre, celui-ci se veut partie intégrante de l’œuvre, définissant ainsi un morceau d’univers.
Le propos est-il de définir ?
Le propos est-il de prouver ?
Le propos, plus simplement, est-il de dire ?
S’il y a expérimentation, c’est le résultat de l’expérimentation qui est le premier à vraiment dire quelque chose.
L’artiste, lui, il fait, puis il regarde.
Ce que l’artiste veut dire, il l’a déjà dit plus tôt : « je cherche ».
M’apparait alors une évidence : le propos, plus simplement encore, est de chercher.
Alain Richard
Liège, 24 août 2020
Pour compléter son travail à la Menuiserie, Jean-Luc Petit vous invite à monter à la tour de la Basilique Saint-Martin.
Celle-ci s’impose dès l’entrée dans la cour de la Menuiserie.
Au hasard de lieux signifiants, trois chaises marquent ces lieux.
Des liens s’établissent.
A la Menuiserie, des travaux parlent aussi de la Basilique.
Dans la tour de Saint-Martin, un espace exceptionnel se révèle avec des interventions artistiques. Au sommet, la Ville se découvre à 360 degrés et une partie du travail de l’artiste à la Menuiserie est perçue uniquement de ce point de vue.
Rue du Mont Saint-Martin, 66 à 4000 Liège.
Heures d’ouverture :
– du mardi au samedi matin de 10h00 à 12h30
– le mercredi et le vendredi de 14h00 à 17h00
– les week-end du 19 et 20 /9, du 3 et 4 /10, du 17 et 18 /10: la basilique est également ouverte l’après-midi de 14h00 à 17h00
L’accès à la tour est possible durant les heures d’ouverture de la Basilique.
http://www.upsaintmartin.be/pages/tourisme-et-patrimoine.html
Avec l’aimable autorisation de l’Unité pastorale Saint-Martin Liège
A la Menuiserie et à la Basilique : création musicale de Yuki Miyashige, qui accompagne le travail de Jean-Luc Petit. La compositrice s’inspire de ces lieux, avec l’idée d’ateliers, d’escaliers, …